Le four médiéval de Saran. Cuisson du 14 novembre 2009.

Saran au nord-ouest d’Orléans, à 6 km du centre ville d’Orléans. Au nord, en lisière de la forêt d’Orléans.

Sur le site artisanal potier du Haut Moyen-Age (6/9 ème siècle).

Monsieur Sébastien Jesset, archéologue de l'INRAP, est responsable de ce projet. Le four a été reconstruit de la façon la plus fidèle qui soit  avec les différents matériaux retrouvés sur sur le site. Ce document a été rédigé avec l'aide de l'étude "Premier bilan de la campagne de fouilles de 2009"réalisée par Mr Jesset.
Le céramiste Pierre Garnault ainsi que moi-même avons conduit cette cuisson qui dura 4 à 5 heures. Malgré une chambre de cuisson largement ouverte, une température de plus de 1000° fut atteinte sans difficulté avec des branchages secs et de la charbonnette.

Le chantier archéologique de Saran est sous la rersponsabilité administrative de la Fédération Archéologique du Loiret.

Saran, Lac de la médecinerie, premier bilan de la fouille de 2OO9.

 

La fouille de 2009.

S’est déroulée de début juillet à fin Août puis de la mi octobre à la mi novembre afin de rattraper le retard due aux nombreuses découvertes imprévus.

 

Dans le quart nord-ouest de l’agglomération Orléanaise, 27 opérations archéologiques ont déjà eu lieu sur ce territoire, les premières en 1996 et les dernières viennent de s’achever ou sont encore en cours. Cette forte densité d’opération est en rapport avec la pression foncière qui touche cette partie de l’agglomération depuis 2000 (essentiellement ZAC de 80 à 100 hectares et zones pavillonnaires.

Sur toutes ces opérations, 12 ont livré des traces d’occupation du haut Moyen Age. Traces disparates qui vont de parcellaires isolées, à la fouille de 7 hectares de vestiges correspondants à deux grandse exploitations agricoles séparées de 200 m l’une de l’autre et reliées par un chemin .

 Les ateliers de potier ou indices de ces derniers  qui nous intéresse ici plus fortement ont été rencontrés en 4 lieux. On distingue les ateliers avérés avec vestiges de cet artisanat (Four, tours, bacs, etc…) des indices révélés par la présence d’une grande quantité de rebuts de cuisson, mais pas de structures.

 Une centaine de fours doit exister en ces lieux du Ve siècle au Xe siècle qui transforme l’argile en tout types de produits vaisselle, éléments de constructions, etc..

 Un peu plus au sud un indice d’atelier avec une grande quantité de ratés du milieu du Xe siècle, retrouvés dans un fossé en limite d’emprise de diagnostic. Il semble s’agir d’une unité plus réduite qu’à la médecinerie et apparemment ponctuelle. Ce petit atelier devrait faire l’objet d’une fouille en 2010. Deux périodes sont reconnues dans la production de l’atelier avec en premier lieu pour le VIIe siècle-première moitié du VIIIe siècle, celle de récipients domestiques courants vraisemblablement à destination de la communauté et du marché local proche. Dans la deuxième moitié du VIIIe-première moitié du IXe siècle la production de vase à réserve a destination exclusive du domaine.

Sur Ingré, cet été un sondage réalisé par une association archéologique de bénévoles a mis au jour 3 fours produisant de la vaisselle et des éléments de constructions. D’après les formes à placer deuxième moitié du VIe-première moitié du VIIe siècle. Il est difficile d’envisager la forme exacte de cet atelier mais la densité de fours sur une vingtaine de m2 permettrait d’envisager un atelier important. L’absence de traces de productions plus tardives que le VIIe siècle donnerait par contre à penser qu’il ne s’inscrit pas dans la durée. Sur la Chapelle Saint Mesmin, des tessons suspects ont été retrouvés sur la tranche 1 de la fouille d’EVEHA. Ils présentent des traces d’effondrement et des fissures qui peuvent se rapporter à des problèmes de cuisson. Par ailleurs il s’agit de formes spécifiques (gros vases à réserve dotés de bec ponté de grande dimension jamais rencontré jusqu’alors). Il pourrait s’agir, à l’image de la production mise en évidence sur la ZAC des Vergers d’une réponse apportée par les habitants du domaine de La Chapelle à un besoin particulier. Dans tous les cas cette production parait tardive (fin du IXe siècle) et ponctuelle.

A l’atelier du lac de la Médecinerie qui apparaît comme le centre principal, il convient donc d’ajouter un certain nombre de petits ateliers ponctuels qui produisent des formes spécifiques peu transportables (vases à réserves) ou des formes domestiques courantes à petite échelle pour leur propre besoin ou à destination du marché local. Il s’agit donc pour ces quelques points d’une activité complémentaires des activités agricoles courantes.

Une histoire

Les premières découvertes sont faites en Aout 1968 à l’occasion du creusement d’un lac artificiel à 200 m de l’église du centre bourg.

Jacques Debal, professeur au Lycée Benjamin Franklin d’Orléans et alors président de la Société Archéologique et Historique de l’Orléanais va procéder au cours de la Toussaint 1968 à quelques relevés et prélever des tessons dans les structures qui s’ouvrent dans les berges du lac.

  • de 1969 à 1972, Jean Chapelot va prendre le relais sur ce site.
  • En 1969 observation restreintes sur 3 fours en rive du lac (four B, C et D), un four en fosse un peu plus à l’ouest et une fosse à argile. Entre le four B et D, une aire empierré assimilée à une fosse de marchage, mais qui d’après les observations que nous avons pu faire en 2008 participent plutôt à l’aménagement de la voie Orléans Chartres.
  • En 1970, prospection électro magnétique qui va révéler un certain nombre de zones à haute réponse magnétique sur lesquels des fenêtres vont être ouvertes.
  • En 1972, projet d’extension du lac au sud qui nécessite de mettre au point une méthode permettant d’explorer en quelques jours les 2 hectares menacés.C’est la naissance du diagnostic par tranchée. Finalement le projet sera abandonné en raison du nombre important de structures identifiées (une dizaine de fours reconnus et un grand fond de cabane).
  • Depuis 2000 nous avions émis le projet de reprendre les fouille de ce secteur, sachant que les structures repérées en 1972 avaient été remblayées et étaient toujours présentes, prêtes à être fouillées. Par ailleurs, des projets de construction semblaient devoir un jour toucher ce secteur et il importait de fouiller ces structures calmement dans un cadre programmé.
  • En 2008 un projet de ZAC a été déposé sur les 80 hectares jouxtant au sud le lac de la Médecineire. Les tranchées de diagnostic sont venus confirmer l’importance de l’atelier avec une extension sur 7 hectare au minimum.
  • A l’été 2008 nous avons ouvert une fenêtre sur un emplacement qui devait nous permettre de retrouver les travaux de Jean Chapelot afin de caler au mieux le plan des vestiges mis au jour entre 1969 et 1972. Ce fut chose faite. Cette campagne nous a aussi permis de mettre en évidence les traces d’une voie importante qui se met en place au IIe siècle avant, et perdure jusqu’au début du XIe siècle. Son tracé, sa largeur et son rôle structurant lui confère un statut particulier et nous y avons vu la voie Orléans Chartres. Cette identification se trouve aujourd’hui confirmée par d’autres observations qui ont été faites plus au nord sur le site de la future prison.
  • Cette année (2009) nous avons opté pour une emprise réduite de 290 m2 centrée sur le four E explorée par jean Chapelot qui regrettait ne pas avoir eu le temps de le démonter, le four M dessiné en 1972 et un vaste fond de cabane reconnu en 1972 aussi.
  • La fouille de 2009: elle s’est déroulée de début juillet à fin Août puis de la mi octobre à la mi novembre afin de rattraper le retard due aux nombreuses découvertes imprévus.

 

Vue de la chambre de cuisson en cour de fouille. Une languette unique par de parois construites.
Tessons qui participent du comblement de la structure. Il ne s’agit pas d’une charge laissée. Dans le comblement uniquement productions du IXe siècle, Probable contemporanéité entre les fours M et E.

 
Reconstruction de l'alandier, un empilement de buches de bois sert de gabarit pour l'alandier.
Construction des arches.

 

L'alandier du four est enterré, il est ainsi protégé du vent, ce qui facilite la cuisson. Il est d'une grandeur assez importante (70X60 cm environ).

Les matériaux de construction se composent de roches calcaires assez dures, des tuiles et briques en terre cuite et de l'argile locale. Le piler central est légèrement décalé vers le fond, ce qui facilite l'enfournement. La grille destinée à recevoir les poteries est constituée de 5 arches de différentes longueurs, des morceaux de briques en terre cuites constituent les "clefs de voute" de ces arches qui peuvent ainsi supporter le poids des céramiques disposées dans ce four.

 

Des tuiles sont disposées sur les arches, elles permettront d'empiler et de caler convenablement les céramiques.

 

Les poteries (60 récipients de tailles diverses) furent tournées par Pierre Garnault avec une argile locale légèrement ferrugineuse grossière et riche en sable réfractaire, préparée et oubliée sur le site par les potiers du haut Moyen-Age.

 

Enfournement des céramiques.

 

Recouvrement des poteries à l'aide de tuiles plates directement posées sur les céramiques, afin de retenir la chaleur.

 

Le feu est allumé dans l'alandier (foyer du four). Une montée en température très lente est nécessaire en début de cuisson pour permettre un séchage complet des pièces et éviter ainsi toute explosion.

 


 

Le feu est monté en puissance progressivement, la braise remplit peu à peu le foyer ce qui maintient la chaleur dans le four. En fin e cuisson, le bois est posé directement sur les céramiques ce qui permet une montée en température satisfaisante. La cuisson dura un peu plus de 4 heures pour obtenir  1000° dans tout le four. L' isothermie a été très satisfaisante.

 

Après la cuisson toutes les céramiques furent annotées et repérées, selon les règles de l'art de l'archéologie, pour une meilleure étude de ce site qui recèle une centaine de fours de ce type.

Courbe de cuisson et de refroidissement.

Récapitulatifs des fours fouillés sur Saran.

Pour chacun nous avons replacé les arguments de datations parfois incompatibles et les vases retrouvés dans le comblement.

Sur les 4 fours de la ZAC des Vergers trois méritent une attention particulière. Le plus ancien à droite a livré un répertoire céramique que nous avions calé fin VIIe-début du VIIIe siècle (soit entre 675-725). Les prélèvements  archéomagnétiques faits dans cette structure donnaient deux possiblités de datation. La plus sûre de 789-865 et la seconde de 685-714 qui est totalement en conformité avec la datation céramique.

Le four F.1242 de forme différente a livré quelques récipients domestique et une grande quantité de vase à réserves attribués à la deuxième moitié du VIIIe siècle (750-800) La datation archéomagnétique est en cours mais les C14 ont permis de caler la structure entre 667 et 860. Ce qui paraît compatible.

Enfin le dernier four calé par la céramique un peu plus tardivement dans la première moitié du IXe siècle (800-850) ? Une datation C14  fourni 689-891.

Sur les 7 fours du lac de la Médecinerie, 6 ont été datés par archéomagnétisme d’après les prélèvements réalisés epar Emile Thellier et 1969 et 1971. Iléana Buccur a reconsidérer ces datations dans les années 90. Par ailleurs nous avons pu retrouver un certains nombre de lots de tessons provenant des comblements des fours fouillés à l’époque sui nous permettent d’avancer une datation de celle-ci.

Ainsi les résultats sont les suivants:

  • Le four B doit être vieilli (datation 1969 : 760-820 , datation 1996 : 600-800 ; datation céramique première moitié du VIIe siècle.
  • Il en va de même pour le four C (datation 1969 : 765-825 , datation 1996 : 500-600 ; datation céramique VIe siècle.
  • Et aussi pour le four D : 700-760 d’après la datation de 1969. Datation céramique plutôt VIe siècle.
  • On ne reviendra pas sur les autres fours (E, F et G). Four E dont nous aurons des précisions prochainement et confirmation ou non de so fonctionnement au IXe siècle et four F et G qui seront repris en fouille dans un avenir proche.

 

Quelques vases du VIIe siècle trouvés cette année dans les deux fours à chambre quadrangulaire, gobelet, vase à cuire et Jatte. Fissures et desquamations sont les ratés les plus fréquents.

Fréquence de la décoration à la molette sur les productions de cet atelier. Touche toutes les périodes de productions. On remarque la différence de coloration existant entre les tessons du VIe-VIIe siècle et ceux du IXe siècle. D’après les potiers il s’agirait d’une différence de matière première.


                              

Sébastien Jesset, "sur les traces du passé".